L’ère de l’éco-responsabilité

05/12/2024

Par Daniele Menichini

Au cours des 80 dernières années de développement urbain et territorial, l’humanité a privilégié les egos personnels et des modèles centrés sur la voiture, souvent motivés par le désir de satisfaire des envies dépassant les besoins réels. Cette orientation égoïste a conduit à une négligence de l’évaluation des actions et de leur impact sur l’environnement, l’énergie et les ressources planétaires. Au cours des vingt dernières années, la situation s’est nettement dégradée, symbolisée par une prise de conscience croissante du « jour du dépassement », marquant le moment où la consommation humaine dépasse la capacité de la Terre à régénérer ses ressources en une année.

Cette réalité alarmante a déclenché un réveil progressif, avec une société civile, ces cinq dernières années, affinant sa compréhension du changement climatique et de ses conséquences profondes. L’humanité se trouve confrontée à un double rôle : à la fois architecte du développement urbain, périurbain et territorial, et victime involontaire d’une exploitation économique. Ce processus a profondément modifié la structure sociale de la planète. En réponse, la nature a commencé à se faire entendre, réagissant aux perturbations humaines par des catastrophes géologiques et hydrogéologiques liées au changement climatique.

Dans cet échange complexe entre l’homme et la planète, il ne reste que la voie d’une société résiliente — capable de s’adapter aux transformations environnementales. Le changement climatique doit dépasser le simple statut de mot nouveau dans notre vocabulaire ; il nécessite des actions éco-responsables de la part des institutions et de la société civile. Il est impératif de faire évoluer les paradigmes pour mettre en œuvre des solutions et des stratégies contre les transformations défavorables causées par la cupidité monétaire. Individus et communautés doivent développer cette résilience, en adaptant les structures urbaines et territoriales afin de limiter les risques d’effondrement environnemental et social. À l’instar de la flore et de la faune, l’humanité risque le déclin si elle ne redéfinit pas activement son rôle, en adoptant une gestion écologique pour éviter une apocalypse imminente.

L’architecte comme moteur de transformation

Les architectes, acteurs clés de la configuration des espaces urbains et territoriaux, ne peuvent se dérober à leur responsabilité. Ils ont, dans de nombreux cas, contribué à l’instabilité planétaire et à l’exploitation des ressources en privilégiant des résultats quantitatifs au détriment de considérations qualitatives. Les décisions architecturales fondées sur ces dynamiques se sont souvent révélées préjudiciables à la santé et au bien-être humains. Au cœur du geste de concevoir réside une dimension intimement liée à la qualité de vie. Les architectes doivent désormais adopter une éthique écologique, influençant les évolutions culturelles sans diminuer la qualité de vie ni restreindre le choix individuel au profit d’idéaux égocentrés.

L’architecture doit servir les communautés qui habitent les villes et les territoires. Elle n’a pas besoin de s’imposer comme une présence dominante dans la vie humaine à tout prix. Chargés d’améliorer la qualité de vie des citoyens, les architectes doivent revoir leurs méthodes de conception. Cela passe par l’adoption d’approches minimisant l’impact environnemental et par une évaluation rigoureuse de la durabilité de chaque projet. Collectivement, nous devons nous aligner sur les enjeux du changement climatique, en utilisant ses défis pour régénérer les espaces urbains et territoriaux. En exploitant de manière responsable les ressources naturelles et les principes bioclimatiques, nous pouvons améliorer la qualité de vie tout en réduisant les dommages écologiques.

La voie à suivre

Cette transition est indéniablement complexe mais nécessaire. Une surveillance attentive et une bonne compréhension des 17 Objectifs de développement durable des Nations Unies sont essentielles. Combien d’entre nous en saisissent vraiment l’importance ? Sans doute seulement ceux qui comprennent le concept de résilience et s’engagent à appliquer des pratiques architecturales éco-responsables réalisent pleinement l’ampleur de ce défi. Concevoir de manière éco-responsable n’est plus synonyme d’austérité ou de compromis, mais nécessite une gestion fine et sophistiquée.

La base poétique des projets éco-responsables repose sur cinq éléments essentiels : l’air, l’énergie, la nature, l’eau et le recyclage. Ces éléments influencent chaque étape du projet, de ses premiers croquis à sa construction, son utilisation et sa démolition. Chaque choix dans le cycle de vie — conception, matériaux, techniques de construction, entretien — a des impacts mesurables, notamment sur les émissions de dioxyde de carbone et la durabilité environnementale. Les bâtiments, à l’image des êtres humains, ont un cycle de vie : ils sont conçus, naissent, grandissent, respirent et finissent par mourir. En fin de vie, ils doivent être capables de produire des ressources pour soutenir de futurs projets, reflétant le potentiel régénérateur propre aux systèmes naturels.

Redéfinir l’architecture durable

Autrefois, il suffisait souvent de « verdir » l’architecture pour prétendre à la durabilité. Aujourd’hui, il revient aux architectes de placer l’éco-responsabilité au premier plan, en sensibilisant clients et parties prenantes à son importance. Ils doivent éduquer leurs clients sur les aspects profonds de la qualité des espaces de vie durables, dépassant les simples apparences pour mettre en lumière les aspects cachés et cruciaux de la conception écologique.

En favorisant ce dialogue, les architectes peuvent révéler l’invisible — au-delà de la façade — tout en intégrant la culture de la durabilité au cœur de la pratique architecturale contemporaine.

Daniele Menichini est membre de la Commission UIA 17 ODD des Nations Unies.