Renzo Piano

Renzo Piano

Renzo Piano, Prix Pritzker en 1998 et Médaille d’or de l’UIA en 2002, est l’un des architectes les plus prolifiques de notre époque, avec plus de 50 bâtiments emblématiques répartis à travers le monde. Le Centre Georges Pompidou (Paris, France) et The Shard (Londres, Royaume-Uni) figurent parmi ses œuvres les plus connues.

Né en 1937 à Gênes, en Italie, dans une famille de constructeurs, Piano a fondé le Renzo Piano Building Workshop en 1980, dont les bureaux sont situés aujourd’hui à Paris, Gênes et Berlin. Il a également créé la Fondation Renzo Piano, une organisation à but non lucratif dédiée à la promotion de la profession architecturale à travers des programmes et des activités éducatifs.

C’est un homme, qui selon toute vraisemblance, n’est pas prêt d’arrêter sa carrière : il a récemment offert ses services à sa ville natale de Gênes pour remplacer le pont Morandi, qui s’est tragiquement effondré en août 2018.

Nous avons récemment eu l’occasion de lui parler, en tant que lauréat du concours soutenu par l’UIA en 1970, qui a marqué un tournant, très tôt, dans sa carrière: le Centre Georges Pompidou.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le concours pour le Centre Georges Pompidou?

« Il y avait un concept, dans le dossier du concours, que Richard [Rogers] et moi avons trouvé particulièrement intéressant : construire une « maison de la culture » pour la ville de Paris. André Malraux, ministre de la culture pendant 10 ans, avait pour idée de créer une «maison de la culture» dans chaque ville française. Un lieu où les différentes disciplines pourraient se mélanger: la musique, la littérature et les arts plastiques. Cette idée nous a bien plu. 

L’autre point d’attrait, était le président du jury, Jean Prouvé : mon idole ! Prouvé a toujours été un exemple pour moi, non seulement pour son talent mais aussi pour la conception de ses bâtiments et l’éthique de son architecture, notamment dans son travail avec l’Abbé Pierre. C’était une légende! »

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez gagné ce concours ?

« Imaginez : vous avez 34 ans, vous avez déjà pas mal travaillé, mais principalement sur des petits contrats, et on vous donne l’opportunité de construire le Centre Georges Pompidou. Ce que nous avons ressenti ? Nous avons été très surpris ! Nous ne nous attendions pas à gagner – il y avait plus de 681 candidatures! »

Quel impact ce concours a-t-il eu sur votre carrière?

« Un impact énorme: il nous a donné la confiance et le courage de nous battre pour nos idées. Gagner ce concours nous a projetés dans une nouvelle dimension. Jusqu’à là, nous étions des petits poissons et, puis, soudainement, nous avons pu travailler avec les grandes entreprises de la construction, ces mêmes entreprises qui nous disaient toujours, “impossible, M. Piano, impossible” ! L’expérience Centre Georges Pompidou nous a appris à défendre nos idées et à ne pas nous laisser influencer par des avis divergents. Bien entendu, il faut être prudent : il faut être sûr que l’idée que vous défendez est la bonne ! Une fois que vous en avez la certitude, il faudra être prêt à mettre toute son énergie à la défendre jour après jour. »

Quels conseils donneriez-vous à un architecte souhaitant participer à un concours d’architecture ?

« Tout d’abord, j’encouragerais tout jeune architecte à participer aux concours. J’ai moi-même obtenu environ 80% de mon travail à travers les concours. Même le nouveau Palais de Justice de Paris était un concours. Personne ne vous demande de concevoir des bâtiments comme celui-ci sans passer par un processus de concurrence d’abord.

Ensuite, oublier les tactiques. Une des raisons pour laquelle Richard et moi avons gagné ce concours, c’est parce que nous ne pensions pas pouvoir gagner et que nous n’avions aucune stratégie par rapport au jury. La seule chose qui nous préoccupait, était de trouver la bonne idée pour représenter cette période révolutionnaire à la suite de mai 68 (1).

Ne perdez pas votre temps à essayer de vous conformer à ce que vous pensez être le souhait du jury, sinon vous ne trouverez jamais la vraie inspiration. Se concentrer, puiser au fond de soi, échanger avec ses collègues et trouver la bonne idée. Alors, et uniquement alors, vous serez en mesure de gagner! »

(1) Mai 68 a été une période de troubles civils explosifs en France, au cours de laquelle de nombreux dirigeants politiques craignaient la guerre civile ou une révolution